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samedi 4 juin 2011

Luc Ferry: haro sur le baudet !


Le cas Ferry m'a toujours inspiré de célèbres citations: "qu'allait-il faire dans cette galère ?" a été ma réaction à son entrée au ministère de l'Education nationale.
 Aujourd'hui, ses déclarations mettent en cause anonymement un ancien ministre accusé de pédophilie. Tous soupçonnent tel ou tel nom, y pensent fortement, mais se taisent prudemment. Et tous, droite et gauche confondus, de lui tomber dessus à bras raccourcis, ceux de droite pour le sommer de dénoncer le pervers sensé être de gauche, ceux de gauche pour l'accuser de diffamation gratuite et irresponsable.
Alors, me viennent à l'esprit des refrains célèbres: "Le poète a dit la vérité, il doit être exécuté." Ou "Pour vivre heureux, vivons cachés". Vous en trouverez bien d'autres encore !


Aurions-nous les mêmes réactions si Ferry était resté simple philosophe ? C'est clairement l'ancien ministre et le responsable politique qui est visé, s'autorisant lui-même de sa participation aux plus hautes autorités de l'Etat. Le simple citoyen peut dire n'importe quoi, surtout s'il est philosophe, c'est-à-dire irresponsable et original par vocation...Cela amuse la foule et la galerie, et il reste dans son rôle.


Mais qu'il se prenne pour un homme politique, il y a là une erreur et une faute impardonnable que Luc Ferry n'aurait pas dû commettre !
Depuis Platon,  nous savons bien que philosophie et politique ne font pas bon ménage; et que le philosophe qui se mêle de politique le paie souvent très cher. Platon fut vendu comme esclave par le tyran de Syracuse qu'il venait "éduquer"...
Alors pourquoi Ferry, qui le sait, a succombé à la tentation ? Seul lui le sait vraiment. Je soupçonne, quant à moi, un mélange de devoir kantien et de fascination  pour les lambris républicains et médiatiques.


Sur le fond, pourquoi cette incompatibilité du philosophe et du politique ?


Parce que le philosophe se préoccupe de vérité, quand le politique se soucie d'illusion, de faux semblants et de miroirs aux alouettes.
 Ceci fut toujours le travers de l'ordre politique depuis le règne des orateurs et des sophistes sur la Cité grecque, jusqu'à la tyrannie contemporaine de l'image médiatique et des conseillers en communication, en passant par les ors de Versailles et les fêtes révolutionnaires...
La politique ne peut dire la vérité car elle gouverne le "gros animal" qu'est le peuple (Platon); et que le peuple veut qu'on le flatte, non qu'on l'instruise. Il veut que ses désirs soient des ordres, non qu'on l'oblige à conformer ses désirs à la dure réalité. N'en déplaise à l'optimisme des Lumières, le peuple démocratique n'est pas plus rationnel. Les démagogues règnent tout autant, voire plus que jamais. Et les rares politiciens courageux qui s'aventurent à dire la vérité ne le restent pas longtemps: ils doivent choisir entre rester politiciens ou rester courageux.


Luc Ferry devait donc s'y attendre: quand on est ministre, ou quand on l'a été, on ferme sa gueule ou on fait un autre métier !
Le résultat prévisible est cet étonnant renversement: Luc Ferry, d'accusateur, se retrouve accusé; de rapporteur d'une rumeur il en devient l'acteur principal. Et à parcourir rapidement la presse, on se demande si ce n'est pas lui, le pédophile...


Dire tout haut ce que tous pensent tout bas est une naïveté de politicien novice ou une ruse de démagogue accompli. Dans tous les cas, cela affole l'ordre harmonieux des simulacres médiatiques qui disent au peuple ce qu'il doit penser. Malheur au philosophe qui s'en mêle !


Pascal nous a pourtant appris à ne pas confondre les ordres. L'ordre politique ne relève pas de la recherche de la vérité. Le pouvoir ne repose pas sur l'honnêteté intellectuelle, et Machiavel a raison. La philosophie n'est pas la rhétorique, Platon le savait déjà. Ce qui ne l'empêcha pas lui aussi de succomber à la confusion funeste.

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