Le gouvernement français fait évacuer un campement de Roms en banlieue parisienne.
Le reportage télévisé parle de "stigmatisation", et l'on pense à l'étoile jaune. Les associations humanitaires dénoncent l'emploi par la police d'un tramway emprunté à la RATP, et l'on pense aux convois de Drancy fournis par la SNCF. L'un des militants humanitaires ajoute que ce tramway a permis de "déporter" ces familles Roms. Le commentaire mentionne la dispersion des familles et un enfant séparé de ses parents, et l'on pense au tri des familles juives opérées par la police française de Vichy ou par les SS sur le quai d'Auschwitz.
A tout propos, qu'il s'agisse de Roms, d'immigrés clandestins ou des sans papiers, le parallèle se banalise. Et cette banalisation est insupportable.
On ne discutera pas ici du bien-fondé de telle ou telle opération de police contre des immigrés clandestins, de la manière parfois violente que cela peut prendre. On peut approuver ou condamner la lutte contre l'immigration clandestine. Mais c'est brouiller les cartes et fausser le débat que de ramener toujours à la comparaison avec la Shoah, car l'excès et la disproportion sont trop évidents pour les préciser.
Pourquoi cette comparaison systématique et abusive ?
Les jeunes soixante-huitards traitaient les CRS de "fascistes" et de "SS". Les vieux soixante-huitards ont gardé le même réflexe: la gouvernement actuel est comparé à Vichy, les immigrés clandestins sont les nouveaux Juifs persécutés, déportés, bientôt exterminés ?
On peut mépriser de tels amalgames sous le pretexte que tout ce qui est excessif est insignifiant. Sans doute. Mais cet amalgame envahit et pollue le discours médiatique.
On voit l'intérêt médiatique, car les médias y trouve un moyen trop commode de dramatiser l'événement, et de donner un écho spectaculaire à des images banales. Et voilà une opération de maintien de l'ordre républicain transformée en épuration ethnique et en entreprise génocidaire...
On voit l'intérêt politique: diaboliser le gouvernement sous les traits de Vichy, et la police sous les traits de la Milice et de la SS.
On voit moins le danger: on prétend défendre de pauvres clandestins en les enrôlant sous la glorieuse bannière de la Shoah, et en les présentant comme les nouveaux Juifs. L'intention est par trop généreuse pour être honnête. En retour, la Shoah est assimilée à la banalité d'une opération quotidienne de police, sous une loi républicaine légitime. Suivons l'analogie: et si, après tout, les nazis n'avaient fait avec les Juifs qu'un travail de maintien de l'ordre, légitimé par de graves infractions commises par ces Juifs comme un trafic de papiers, l'occupation illégale de terrains ou divers larcins ?
A force de vouloir démontrer que la lutte actuelle contre l'immigration clandestine n'est que la continuation de la Shoah, on finit par réduire la Shoah à une simple et légitime opération de police !
Qui est responsable de cette insupportable banalisation ? On l'a vu, les médias à l'affût du spectaculaire fût-ce au prix de l'imposture, et de nombreux humanitaires dont l'enthousiasme aveugle le dispute à la forfaiture morale.
Et la gauche, dont ces humanitaires sont souvent le relai, qui se tait et tire les marrons du feu. Un feu malodorant, sur lequel souffle un mauvais vent.
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